Sunday, April 19, 2009

PLAGIAT : SCRUPULES, EMMERDES ET CONSIDERATIONS !


Je me suis retrouvé dans la délicate position (à presque minuit, l'heure du crime, en plus) de découvrir un plagiat, il y a deux trois jours, et de confondre son plagiaire.
J'en dirais peut-être plus, ou pas, sur ce blog ou ailleurs, comme je ne suis pas concerné au premier chef, mais j'avais envie de porter à votre réflexion les mécanismes derrière cet acte qui, selon moi, à lui seul mériterait le rétablissement de la peine de mort !
J'étais donc en train de corriger une des revues à laquelle je participe quand je me rends compte que ce texte m'est étrangement familier. Arrivé à la fin de la première page, ma conviction est faite. J'ai déjà lu ça ailleurs, je sais où et en plus je connais le nom de l'auteur et du texte, pas de problème.
Je prends la traduction du texte américain, je prends le texte "original" paru en français et ça sent effectivement la grosse resucée. Le personnage d'ouverture boit du thé dans un texte, du café dans l'autre, mais sinon c'est la même chose, les noms seuls diffèrent !
J'avoue être tombé sur le cul, sur le coup (oui, les deux). Je contacte direct le traducteur de la nouvelle que je corrigeais donc, puis le rédacteur en chef de la revue spoliée, puis l'autre rédacteur en chef... Et on arrive bien à la même conclusion. Ce qu'il y a de bien avec l'imaginaire en France, c'est que finalement, tout le monde se connaît !
Donc la nouvelle de la spoliation a déjà commencé à circuler en privé et en même temps qu'on se penche sur ça, on se rend compte que le gus n'en ait a priori pas à son premier plagiat, et qu'il a déjà vandalisé au moins un autre texte du même auteur...
Et moi qui aimait beaucoup ce qu'il faisait... oui, bah je comprends maintenant !
On prend un auteur de talent, mais pas connu sous nos lattitudes, on se fait sa petite trad tranquilou, on colle son nom et on envoie ça à gauche à droite... Et ça marche, enfin, ça eût marché !
Je me demande cependant, et c'est le cœur de ce billet, comment on peut avoir le toupet de faire ce genre de truanderies. La même semaine, je taquinais gentiment une amie auteure pour sa paranoïa. Elle cherchait tous les moyens possibles et imaginables pour protéger ses textes. Apparemment, ce que disait ma Céline : "A partir du moment où l'œuvre est créé, elle est automatiquement protégée" ne lui suffisait pas.
Maintenant, en fait, ça ne me rend pas tellement plus paranoïaque que ça, personnellement. Je me dis que si on veut nous plagier, on peut toujours y parvenir, rien ne nous garantit pas, qu'en ce moment même, on ne soit pas en train de récupérer un de mes textes qui traînent, de le retoucher un peu et de l'envoyer à un rédacteur en chef ou un éditeur.
On avait déjà d'ailleurs publié un de mes poèmes sur un forum, sans rappeler que j'étais l'auteur, le pillage avait été signalé par un autre membre du forum, sans que je n'ai trouvé à redire ou intervenir :
http://forum.doctissimo.fr/sante/cannabis/flibuste-sanglante-sujet_148495_3.htm
Au moment de traduire une nouvelle de Emilia Pardo Bazán, dans Borderline n°3, "La resucitada", j'étais tombé sur un site avec un guignol qui avait mis le texte en ligne en disant en gros : regardez le chouette texte que je viens de finir avec mes petits doigts boudinés.
A cela je réponds : une décharge de chevrotine dans les testicules ! C'est tout ce que méritent les plagiaires ! Ou on leur coupe les mains pour qu'ils arrêtent leurs méfaits... Car c'est peut-être le pire des crimes, déposséder un auteur de ses rêves devenus manifestations physiques, de son intimité émotionnelle, de ses opinions, de ses personnages, de tout ce qu'il veut partager avec un public, le plus large possible, bref le déposséder de son monde intérieur !
Hum ! Non, bon restons dans le domaine de la simple considération des motifs... et rappelons-nous la leçon de l'ami Anaël, qui me disait encore récemment : "Jacques, tu n'es pas ton texte !"

Qu'est-ce qui peut bien pousser un "artiste" (en gras, les guillemets !) à spolier l'oeuvre d'un créateur. Pour qu'il y ait plagiat, il faut au moins que le plagiaire apprécie l'œuvre qu'il détourne, non ? Qu'il se dise : "Waaaoh ! Ce texte/cette chanson, c'est trop fort !"
Sans appréciation de l'œuvre, il n'y aurait sûrement pas volonté de le piller.
Mais à ce premier mouvement du cœur, doit s'en ajouter un autre, qui étouffe tout simplement l'admiration naissante, sincère : la jalousie. Peut-être aussi le sentiment de sa propre nullité.
"Comment ! Machin est arrivé à pondre un texte comme ça, à le vendre à tant, à telle revue !"
S'ensuit sûrement le classique : "Pourquoi lui et pourquoi pas moi ?"
Le ghetto de l'imaginaire en France, et j'imagine que ce doit être comme ça ailleurs, est peuplé d'âmes en peine qui barbotent dans un mélange d'auto-satisfaction et lamentations sur le mode Caliméro.
C'est toujours désagréable de se prendre un refus de nouvelle, plus encore de roman, de la part de rédacteurs en chef ou d'éditeurs, dont on se demande souvent en quoi ils sont plus compétents que nous pour juger de la qualité d'une œuvre.
J'imagine qu'à la longue, des aigris ou des rageux conçoivent de tels stratagèmes : On pique le texte d'un autre, on le retravaille un peu (ou même pas) et on le publie à son nom. Après tout, cet autre, là, est un salaud qui ne mérite pas son talent. C'est moi qui aurais dû écrire cette nouvelle !!
Est-ce que le raisonnement va aussi loin ?
Et le déni de réalité ?
Quel est le degré de conscience ou d'inconscience ? Se dire qu'on ne se fera jamais attraper... C'est un peu court, un peu naïf même. Mais ça doit effectivement marcher, dans certains cas. Par exemple, qui saurait en France de nos jours que tel texte plagié serait en fait l'œuvre d'un moldave de la fin du XIXème ? Pourtant, le risque existe toujours... Et le coût risque d'être très élevé, dans un milieu comme le nôtre où comme précisé plus haut, tout le monde se connaît (et se fait des poutous ou se bouffe le nez, mais ça c'est un autre débat).
Je suppose que sa réputation, au plagiaire qui m'a inspiré ce billet, va être carbonisée en quelques semaines... Le mouvement naturel dans le ghetto de l'imaginaire, c'est bien souvent la curée, dès que l'occasion se présente de déchiqueter un "camarade" tombé à terre. Mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, dans son cas précis, je ne verserais pas une larme sur son sort !
Quel est dans tous les cas le rapport du plagiaire à son plagiat, avant que le méfait ne soit éventé :
Comment peut-on en parler, si on vous demande comment l'idée vous est venue, si on essaie de vous en faire décortiquer le style et le contenu ?
Lui souhaite-t-on le plus grand public possible, ou au contraire, une diffusion restreinte, parce qu'on a honte après coup, ou un peu peur peut-être de se faire attraper ?

Enfin, comment se regarde-t-on dans la glace, après ça ?

Edit du lundi 20 avril : L'auteur français se défend en indiquant qu'il a publié cette nouvelle et d'autres sur des forums anglosaxons et qu'il aurait ainsi pu se les faire piquer. Alors, qui a copié sur l'autre ? Le plagiat existe toujours, dans un sens ou dans l'autre ! Affaire à suivre...
COUCOUCHE-PAPIER !

Un projet mort-né, du moins dans sa forme première, me fait tchatter à ce sujet avec l'un des auteurs normalement prévu : Santiago Eximeno. Il n'a vraiment pas le temps... Sans amertume aucune, ça m'a amené à écrire une flash fiction que je partage avec vous et qui vous expliquera de quoi il retourne, dans les deux langues !

¡Pañapel!

Santiago echaba de menos al mítico síndrome de la página blanca. Estaba cambiando a su niña y a él le perseguía el síndrome del pañal lleno.


Coucouche-papier !

Santiago regrettait le mythique syndrome de la page blanche. Il changeait sa fille, et lui, c’était le syndrome de la couche pleine qui le poursuivait.