Anachronisme et à-peu-prisme...
Pour rebondir sur les remarques perfides que je faisais sur la fantasy, je voulais parler dans ce billet des dangers que représentent sans conteste pour les auteurs amateurs (et parfois pas si amateurs que ça) ces fléaux que sont les anachronismes et plus généralement les à-peu-prismes.
Kesako ?
Dans mon billet " Pourquoi la fantasy, c'est nul ! ", je critiquai entre autres choses (avec beaucoup de mauvaise foi, évidemment) le côté démiurgique pour l'auteur de concevoir de toute pièce un univers de fantasy... Ce que j'assimilais à de la flemme, une volonté délibérée de ne pas se casser la tête avec l'Histoire, la sociologie, la géographie de notre bonne vieille Terre et donc de ne pas faire de recherche...
Les recherches, quand on écrit, c'est à la fois enrichissant personnellement, prenant, fascinant et des fois... pénible tout simplement...
On se dit dans un premier temps : bon, l'action se situe à Paris deuxième moitié du 19ème siècle... Alors, le personnage remonte telle rue pour aller au Père-Lachaise. Mais... Est-ce le bon nom de rue ? Et le Père-Lachaise ? Il s'appelle bien comme ça à cette date ???
Le mieux quand on est organisé (pas comme moi) c'est de faire les recherches avant de commencer à rédiger la première ligne du texte (nouvelle et à plus forte raison roman). Pour mon roman en cours, j'ai bien le plan détaillé du roman, sur plusieurs pages, je suis parti sur un Paris alternatif, mais il n'empêche que je veux coller à l'Histoire en tout cas au niveau des dates, même si je ménage de grosses différences.
On écrit, on s'emballe, on force même l'écriture pour terminer un chapitre, deux chapitres, pour se retrouver à peu près à la moitié et là on se rend compte qu'on a omis un détail qui au final revêt beaucoup d'importance quand on en prend connaissance... Ou pire, ce qu'on met en place dans le roman, ce qu'on décrit ou l'événement qu'on présente n'a pas encore eu lieu à l'époque où on le place.
Le détail omis pour le roman en cours touche au Salon des Refusés : en étendant mes recherches sur les artistes en 1863, sur l'Académie des Beaux-Arts et tout le toutim, je retrouve cette information qu'en fait je connaissais déjà et avais stocké il y a longtemps dans un coin de ma tête en passant... Information qui n'avait jamais été reconnecté avec ce que je suis présentement en train d'écrire ! Du coup, j'ai cette information, là sous mes yeux, toute palpitante, toute juteuse de portée, de signification pour ce que je suis en train d'écrire, qu'en fais-je ? J'en parle, je l'ignore ? Je l'utilise au risque de devoir retravailler tout l'équilibre de l'univers parisien alternatif tel qu'il est pour le moment ? C'est dangereux... mais c'est tellement tentant !
C'est encore parmi ce que j'aime le plus dans la littérature de l'imaginaire, que je la lise ou l'écrive : la confrontation de l'imaginaire au réel, afin de donner sa propre version, personnelle, du réel. Un monde fantastique avec des échos constants renvoyant à notre réalité. Echos distordus donnant une autre signification aux événéments tels qu'on les connaît.
L'événement anachronique : toujours le même roman, avec une douloureuse constatation... Je m'apprête à présenter un Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, qui n'existe pas encore à l'époque de la narration, en 1863... Alors ? Jusqu'à quel point je m'écarte des dates et de ce qui s'est vraiment passé ? Le fait d'ignorer au final la date de construction du Grand Amphi (courant 1880) n'est pas anodin et servirait un dessein, précipiter chronologiquement la réhabilitation du statut de la Sorbonne comme grande Université. A voir...
Ces manques de recherche ou découvertes impromptues nous amènent à repenser ce qui a déjà été écrit ou imaginé... C'est stimulant et parfois également un peu déprimant et déstabilisant.
Remettre 100 fois sur le métier son ouvrage...
Il y a ça, la rédaction sur la longueur, qui réserve des surprises et il y a également l'écriture dans certaines conditions, sans qu'on ait l'occasion d'avoir l'information sous la main, qui donne des résultats parfois surprenants ! Je m'explique : participant à un concours de nouvelles dans l'univers du Jeu de Rôles Crimes se déroulant dans le Grand 19ème siècle, je mouline afin de trouver des idées, jusqu'à me fixer sur une idée précise, un lieu et une date... Paris, début du XXème siècle. J'aime bien, même dans des textes courts, distiller quelques informations historiques qui aident à situer la narration, donnant une époque sans donner la date exacte non plus. De quoi créer une atmosphère.
J'ai d'ailleurs utilisé ce procédé pour ma nouvelle Arcimboldo le Merveilleux jusqu'à la nausée... L'action se passe circa 1592, sans que la date soit réellement 1592 : c'est une année élargie qui permet de condenser des événements s'étant passés sur la décennie et de faire se rencontrer des personnages qui en réalité ne se sont jamais rencontrés. Ils ont fréquenté la cour de Rodolphe II, mais pas exactement aux mêmes moments.
Revenons donc à la nouvelle pour le concours : "Le requiem de pierre". Je me dis : voilà, l'événement se passera juste après la mort de l'architecte du Sacré-Coeur et pour situer encore, je vais placer l'enquête dans les mains d'un Inspecteur en rapport avec la Brigade du Tigre. L'idée me séduit... Mais mais mais... Pas d'accès Internet, pas de moyen de vérifier l'info (je suis en plein sur un Salon). Bingo ! Petit anachronisme de 20 ans au moins (Paul Abadie mort en 1884, les Brigades crées en 1907...) et s'ajoute à cela que le Sacré-Coeur est loin d'être fini à la mort de son architecte, ce qui est le cas dans l'idée que j'ai...
J'arrive les mains dans les poches donc, balance l'encre sur le papier, sans donner le nom de l'architecte (je le connais pas au moment de la rédaction) et conscient d'avoir une bonne chance de me planter...
Dans l'absolu, je relativise en me disant : j'ai le droit d'écrire des conneries après tout, c'est de la littérature de l'imaginaire, voilà ! On a toujours le recours de la mauvaise foi ou de la démiurgie semi-fantasyste indignée : Bah, philistins, vous pouvez pas comprendre ! C'est un univers parallèle à notre Terre...
Et je me conclus mes réflexions en me disant : ça doit pas être facile tous les jours d'écrire du roman historique !!
Wednesday, June 13, 2007
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