Saturday, December 27, 2008

Figure de style


Le profiler tâcha de ne pas laisser paraître son profond dégoût. Il avait beau être docteur en criminologie et en psychologie, même ainsi, il ne parvenait pas à comprendre la monstruosité de certains actes. Il écarta d'un geste les photos du visage de la jeune victime où le rouge prédominait. Gorgeait presque tous les pixels.
"Comment avez-vous pu faire une telle chose ? Pourquoi avoir massacré sa face comme ça ?"
Le profiler sentit comment ses lèvres tremblaient alors même qu'il pensait garder le contrôle. Sous le coup de l'émotion, il avait une voix aiguë, de fausset.
Le psychopathe que la presse avait surnommé le Cruciverbiste partit d'un petit rire, comme s'il goûtait une bonne plaisanterie.
"J'ai testé une figure (il insista sur ce mot en détachant les syllabes, tel un professeur faisant la leçon à un cancre), une figure de style sur elle. Je ne lui avais rien demandé moi, mais quand je l'ai croisée, elle m'a dévisagé.... alors je l'ai défigurée."

Tuesday, December 23, 2008


La Tierra del Dragón : Nicho de Reyes
(tome 1) de Tobias Grumm, Edición Equipo Sirius, 2005 (606 p.) 17x24 cm ISBN: 978-84-96554-337

Il y a quelque chose de pourri au Royaume d’Abisinia !
Elvor, le prince cadet, dévoré par la haine envers son père Theorn, un amour trouble pour sa sœur Irka et une jalousie sans borne à l’égard de l’héritier Galendor, a réveillé les forces de l’Ombre et s’est trouvé parmi elles un nouveau maître de magie. Des terres du Nord condamnées depuis des siècles surgissent des hordes de sauvages monstrueux qui ne sont pas sans rappeler les Pictes d’Howard. Ce qui ne semble au départ qu’une simple expédition punitive contre ces sauvages revêt vite des implications beaucoup plus sinistres… Une intelligence machiavélique est derrière ces attaques, la même qui contrôle désormais Elvor et attise son hubris. Le jeune prince et son éminence grise, grâce à une embuscade, massacrent le roi et accusent Galendor de régicide. Le cruel cadet monte sur le trône pendant que l’héritier s’enfuit en embarquant sur un bateau de pirates.
Ce premier roman de Tobias Grumm est très plaisant à lire. Il se dévore d’une traite et on se montre indulgent face aux imperfections de style, au côté un peu attendu de certaines scènes. On évolue en toute confiance dans un univers médiéval fantastique assez classique, au continent morcelé en Royaumes, aux différentes mers, aux promesses d’aventure et d’évasion… Les rebondissements s’avèrent bien minutés et les nombreux personnages – mêmes secondaires - réellement attachants. Sa toute première qualité réside dans cette faculté à camper des caractères, des attitudes et à brosser des situations avec une grande force d’évocation. Pour couronner le tout, l’ouvrage est particulièrement soigné, s’accompagnant de cartes et de belles illustrations intérieures de Manuel Calderón.
Sans être le roman de l’année et ni la révolution du genre, Nicho de Reyes garantit un très bon moment de détente et laisse le lecteur plus que curieux de voir la suite…
(A noter qu'entre-temps, les tomes 2 et 3 sont sortis)
En guise d'introduction aux chroniques hispaniques

Pour terminer l'année, ou pour bien la commencer... Ou pour Noël, on va dire (je poste pas ça demain, parce que demain j'ai piscine), j'ai décidé après moult hésitations de balancer la purée sur ce que je sais de ces gens-là, là de l'autre côté des Pyrénées, de l'autre côté de l'Atlantique, ces rastacouères et espingouins qui ne parlent pas la même langue que nous... Et pourtant, ils écrivent avec, ça fait des recueils de nouvelles, ça fait des romans bien brochés, avec un beau papier, des numéros de pages même... que certains de ces estrangers ou leurs éditeurs ont pu m'envoyer à l'occasion.
Voilà, à une époque je faisais le "scout" dans le domaine hispanique de l'imaginaire pour une maison d'éditions "de cuyo nombre no quiero acordarme" maintenant en mort clinique.
Sans résultat aucun.
Puis, parce que je suis un acharné dont l'entêtement confine à la bêtise crasse et béate, et que j'y crois, plutôt deux fois qu'une, j'ai étendu l'expérience à d'autres maisons d'édition. J'ai eu des "Ah, ouaif..." des "Euh", une pelleté de "Pas intéressé", quelques "très intéressant, mais reviens en 2010" et... surtout beaucoup de silence.
Un silence assourdissant.
La conclusion que j'en ai tirée, c'est que de toute manière, le monde de l'édition de l'imaginaire en France a mieux à faire que de publier des Carlos Gardini, des Domingo Santos, des Alfredo Alamo, Santiago Eximeno ou autres... Allez zou, un Américain, ça vend bien : collez sur la jaquette : Le nouveau best-seller (2 millions d'exemplaires vendus aux USA).
"Je fais dans le social qu'une fois par an", comme m'a dit une éditrice récemment. Elle a raison, son social, c'est de publier des auteurs français plus ou moins amateurs, quelques pros, sur le mode du : "on fait un appel à textes, on publie le meilleur".
Je peux pas la blâmer, moi aussi je ponds des appels à textes, et je réponds à d'autres, dont les siens parfois, d'ailleurs.
ça revient moins cher de publier un Français, si on veut faire dans le social, que de prendre un Espagnol ou un Chilien qu'il faudra traduire (un trados à payer en plus, bah oui).
La logique mercantile basique veut qu'on fasse ce qui se vend ou a des chances de se vendre et qu'on fasse aussi ce qu'on connaît. Alors bien sûr, si on n'a pas moyen de mieux connaître des auteurs étrangers, on se rabat sur des valeurs sûres anglosaxonnes.
Mais moi, je ne veux pas vous faire connaître du Peter Danger ou du Peter Dean, pseudos utilisés à une époque en Espagne pour vendre, mais bien le Domingo Santos qui se cachait derrière. Parce que le problème est bien là, juger de la qualité d'un auteur à la consonnance de son nom - ça me rappelle d'ailleurs un débat sur les pseudos qui a "agité" le forum de Borderline... Déjà dans les années 60 en Espagne, et ça devait aussi être le cas en France, mieux valait ne pas s'appeler Ramirez ou Dupont pour publier un roman de genre, si on voulait vendre.
Est-ce que cette tendance va changer, va-t-on arriver à faire éclore un peu partout des Aguilera, des Javier Negrete ? Retrouver cette époque où la France esbaudie découvrait Jorge Luis Borges, Gabriel Garcia Marquez et Julio Cortazar en se disant : "Ah oué ? On peut faire ça avec des mots ??"
Franchement, je ne sais pas, mais si au moins les fiches de lecture envoyées à bon nombre d'éditeurs muets ou trop occupés que je vous propose désormais à la lecture peuvent vous donner envie d'en découvrir plus sur les auteurs de langue espagnole de nos genres de prédilection, je me dirais que, peut-être, je ne me serais pas battu contre des moulins à vent sans brasser un peu d'air frais...

Tuesday, February 19, 2008

Echange de bons procédés, dirait ce charmant M. Lecter !



L'économie des festivals de l'imaginaire me semblait, depuis que je les fréquente - cela fait 2 à 3 ans - pour le moins souterraine...
Mes deux récentes expériences - Nogent sur Oise et Zone Franche à Bagneux - me l'ont confirmé...
Ces rencontres sont le fruit d'agencement miraculeux des étoiles dans le ciel, des conjonctions exceptionnelles d'astres, qui n'ont lieu en général que... pfffiou... Au moins une fois par an !
Lors de de ces moments privilégiés, les troupeaux de fans déchaînés paissent au pied des tables de leurs bergers qui les abreuvent de fantaisies en tout genre !
Enfin, ça c'est ce qu'on aimerait croire... En fait, ce sont surtout des orgies incestueuses auxquelles on assiste (et participe bien sûr joyeusement ! Ne soyons pas bégueules !). Petit morceau choisi :

- Aaaaah, tiens Machin !!! ça va, ça fait super plaisir de te voir là ! J'ai adooooré ton dernier roman sur la vivisection des vénusiens !!!
- C'est vrai Truc ??? Trop gentil... Ton article dans Fäctions (un mix entre Fäeries et Fiction) sur ma nouvelle saga était chou également !
- Salut Machin, Salut Truc ! Vous ici mais c'est inespéré, comme le monde est petit !!! Par contre, pas de nouvelles de Nécrose ? Hein ?
- Bah non, il semblerait bien qu'ils aient coulé, mais ça m'étonne pas... Ils m'ont refusé un texte...
- Ouais, moi pareil, mais pas un texte, un article... En plus, vous avez vu, ils publiaient Bidule, ce ringard qui se prend pour un vampire... C'est même pas du fantastique, c'est du goooothisme pour midinettes en manque de frisson...
- Ouais exactement, d'ailleurs j'ai même pas lu, tellement c'est nul...
- Ouais t'a raison, moi pareil hein...

Du coup, les présents se félicitent, se font des papouilles, gardent quand même un peu de fiel dès qu'un "ami" s'éloigne, au cas où, faudrait pas être trop élogieux, ça titille l'égo... Les absents prennent quelques petits coups de poignards qui démangent quand même...
Les rituels se succèdent, changent, selon l'agencement des lieux, mais c'est plus ou moins les mêmes qui reviennent : Maxime arrive et avec lui le sourire revient, bière plus ou moins chaude, on lance des "Alors ça Monsieur c'est une revue dans l'esprit pulp, science-fiction, policier, fantastique, western, BD..." et "ça, Madame, c'est parfait pour les 6-12 ans, c'est une revue d'horreur... euh non, de hem... comment non pas d'angoisse, une revue de soucis, voilà, de soucis, c'est bien comme mot, une revue de désagrément... ? L'illustration fait peur ??? Non, c'est rien, regardez, juste un toutou... Comment ? Un loup-garou mort-vivant ? Ah oui, peut-être..."
Lionel choppe et plaque au sol les petits grappilleurs de bonbons (c'est censé attirer les parents, mais c'est pas trop au point comme technique) et il y a les nouvelles rencontres.
J'ai eu la chance d'être assis à Nogent sur Oise de cette année à côté de M. Gevart ! (à la base on était censé être installé à côté de rien du tout, dans un coin paumé à l'étage, mais 5ème Saison a commencé une œuvre de rédemption en nous proposant un petit coin de table en bas, œuvre que nous avons parachevé, par l'action en déménageant tout le bastringue à une table inoccupée). Discussion sympathique, qui m'a permis de connaître le nouveau responsable de Galaxies, que j'avais contacté par mail peu de temps auparavant didon ! Mais... Il m'emprunte deux euros pour question de trésorerie, et pouf, ça disparaît... Je l'accuse surtout pas de vol, c'est juste qu'il a complètement oublié de me les rendre (à moins qu'il les ait subrepticement remis dans la boîte).
Voilà ce que j'appelle de l'économie souterraine, mais attendez, c'est que le début de la démonstration. En même temps c'est aussi les copains, la famille et les amis des exposants qui squattent les repas prévus pour ces mêmes exposants... Argh !
"Dépêchez-vous de vous servir, nous presse une bibliothécaire, il n'y en aura pas pour tout le monde..." Pour le coup, petite déception, mais on comprend que le festin soit revu à la baisse, si tout la smala étendue doit se goinfrer au passage !
L'année dernière c'était royal, au point que mon boss de Black Mamba m'avait demandé de le ravitailler depuis Nogent par Colissimo, en pensant que ça serait pareil cette année... Las ! C'était des plateaux sous vide sans tellement de charme ni saveur. En tout cas, et sans ironie, merci pour le repas et la logistique mise en place !
Economie souterraine toujours, le libraire du coin qui me fait remarquer qu'il n'a plus de Black Mamba ni plus de Borderline, le drame, qu'il a essayé de contacter le boss de BM, sans réponse, lequel me dit pareil dans l'autre sens... Bon, dialogue de sourds au téléphone ? Pas évident, hein !!
Et sur Zone Franche, à nouveau, super rencontres, kikoos, bisous, poutous...
Caza en dédicace, la classe, Naheulbeuk aussi, c'est top !



On héberge une boat-people de l'art sur notre double stand (la charmante Charline) qui finit par être un... double demi-stand, comme je coudoie Jean-Luc Bizien et son fils. Mais on va pas se plaindre, je suis cerné avec Lionel par du beau-monde, surtout que Thomas Bauduret me fait de temps en temps coucou (il me nargue j'en suis sûr) avec sa bière Kwak en main en face de nous.
M. Bizien, ça c'est du personnage que je connais depuis loooooooooooooongtemps, sans connaître !
C'est à dire, on n'a pas gardé de cochons (ou de morues, dindons, poulets ou autres) ensemble, mais il a fait des choses à une époque (j'adore l'expression "fait des choses") qui ne me sont pas inconnus : les JdR Hurlements, Chimères, et il a participé à INS/MV !!!! Ce à quoi je ne peux répondre qu'une chose, raisonnablement : Raaaaaaah !!! Lovely !!!!
On discute alors à bâtons rompus sur les chapeaux de roues, je vous conseille d'essayer un jour, c'est très marrant, mais faut prendre le coup de main.
Je m'éclipse un moment le temps de gagner - c'est-à-dire d'aller chercher mes lots pour un concours de poèmes sur l'imaginaire : Acrostiche, Haïku, Rondelle, en l'occurrence des mangas et revues de mangas, cool - et je reviens reprendre la discussion sur le thème : "Brussolo lui de toute façon il a tout compris, respect !!!"


Je suis pas peu fier d'avoir récupérer un numéro spécial Otomo et je fais au fils en question : "Regarde pas de problème, waoow c'est beau, ça..." En même temps c'est un peu le bordel sur les stands, ça range, ça papotte, ça coule des regards biaiseux, ça fait des mamours ! Mais en rentrant chez moi, je me rends compte, god damned ! que le numéro a disparu. Là encore, je veux accuser personne, peut-être perdu sur le stand, peut-être que le fils en question avait compris que je lui donnais la revue... Pour le coup j'aurais bien aimé pouvoir la lire, mais bon. C'est pas la fin du monde. Mais là encore, économie souterraine : une sorte de collectivisme latent, avec des ressources de fanzineux et d'éditeurs de mauvais genres, mis douloureusement, difficilement bout à bout, se met plus ou moins en place sur les salons. Et tiens que je te passe un exemplaire de ce à quoi tu es abonné, parce que ça m'évite les frais de cochons, et tiens qu'en échange je te refile ce bouquin, dont tu feras une bonne critique, allez, hein...
Dans la précipitation et l'échange suffoquante d'idées avec un acheteur, je m'embrouille, un billet de 20, quoi de la monnaie, qui quoi... J'ai pris le billet, je l'ai rendu?? Tenez la monnaie... Je reste à me demander encore maintenant si j'ai bien pris le billet ou pas, oh !
Et l'économie souterraine, c'est aussi le paiement en nature : morceaux de gâteaux au chocolat délicieux gracieusement données par les fées du stand Fées Divers - Merci mille fois Raphaëlle et la récompense de l'amitié : les bières chaudes de Maxime bien sûr, et celles fraîches et belges de Thomas Bauduret... Ils ont du cœur, ces hommes :))

En bonus, parce que vous avez été sage, une photo de Maxime en mode Profond lovecraftien !



Edit du 4/03/08 : Ayant ignominieusement sali la réputation d'Elric (Bizien Junior), je tiens quand même à m'en excuser hein... Je vais pas commencer à me faire des ennemis dans l'édition, c'est déjà si dur de se faire des amis... :)
On s'est juste mal compris ! Et un ado qui aime Otomo ne peut pas être foncièrement mauvais !!! Surtout avec un prénom comme ça

Wednesday, February 13, 2008

TAGrut !!


Règlement :

- Chaque personne décrit sept choses à propos d'elle-même
- Ceux qui ont été "tagués" doivent écrire sur leur blog ces sept choses ainsi que ce règlement
- Vous devez "taguer" sept autres personnes et les énumérer sur votre blog
- Et, il faut mettre le nom de celui qui vous a tagué !

Mes 7 choses:

Un plat, parce que j'adore baffrer : Un pastel de choclo (sorte de gratin de maïs avec de la viande, des oignons et autres ingrédients... hmmmm !! trop bon !!)
Un livre, parce que j'adore lire ! : Euh... Argh, je me plante à mon propre jeu-là... A si ! ça y est !! Les neuf princes d'Ambre de Roger Zelazny !
Un animal : Le fennec ! (je pourrais aussi dire le chat mais c'est tellement, tellement, tellement classique !!) A une époque j'adorais cet animal, je voulais en avoir un chez moi. Je sais pas si c'est un symptôme type Petit Prince, mais ensuite j'ai été horriblement déçu d'apprendre qu'il vivait vraiment plutôt dans le désert quand même et qu'il supporterait mal le dépaysement en région parisienne :s :s Et en plus, paraît que ça pue, un fennec !! lol
Une plante : le lotus ! ça me fait halluciner comme plante, je connais très peu de choses là dessus mais j'ai bien envie de m'y pencher. C'est-à-dire étudier l'objet, réel, et tout le fantasme ésotérico-mystico-religieux qui existe autour. Sans parler de ce qu'on trouve dans certains univers d'heroic fantasy (Conan par exemple).
Un personnage : La Tour d'Auvergne... C'est un personnage historique, qui a traversé la Révolution, la Terreur, jusqu'à l'époque napoléonienne... Je l'ai trouvé en faisant des recherches pour mon roman et vraiment, son destin m'a paru assez singulier. Il a étudié les langues celtes et publié un dictionnaire de termes celtes, si jeune Mabuse... Il a refusé la plupart des honneurs et est reparti dans les rangs de l'armée, à la place du fils d'un de ses amis, parce que le fils devait s'occuper du vieil homme. Il est enterré au Panthéon... mais son coeur est Aux Invalides. Il est aussi cité sur l'Arc de Triomphe. Je ne suis pas militariste du tout, toutefois, sa vie m'a semblé digne d'un roman.
Un groupe de musique : Kamelot... Je viens de découvrir il y a quelques semaines et c'est pas mal du tout, du tout. (j'aurais pu dire Nightwish sinon, mais je dis toujours Nightwish, dès que quelqu'un quelque part là à côté de moi parle de musique... puis Nightwish sans la chanteuse Tarja, c'est plus rien... enfin, plus rien d'écoutable !)
Une série télé : Je suis moyennement série TV (normal, j'ai pas de télé) mais je dois dire que les derniers épisodes de Kaamelott (lol, association d'idées par homonymie) saison 5 m'ont laissé sur le chpouns ! C'est passé d'une série super marrante et en format strip à une succesion d'épisodes chronologiquement très structurés avec une vraie trame et une forte montée dramatique, jusqu'au dernier épisode, magistrale ! ça perd quand même pas mal en humour comme ça devient sombre, dommage, mais on peut pas tout avoir hein !!

Et voilà !

Alors je tague, mes amis !!

Celeezer, my black beauty from Africa/West Indies
Lara, Reine du Mic
Celine Brenne, auteur gourmande de mots... et de chocolat
Cyril Carau, Alias Aède, auteur aussi à la plume alerte et efficace ! A surveiller...
Black Mamba la revue Pulp pleine de bulles et d'aventures !

Bon j'ai pas idée pour les deux derniers hein !!

alors... si faut que je dises, d'où vient mon attaque à tag !

TtsurAvrilLavigne
...

Thursday, February 07, 2008

Appel à textes : Légendes !



Voilà un petit Appel à texte qui plaira je l'espère à un max d'auteurs et aussi, à la publication, à un max de lecteurs !



(Du latin legenda : qui doit être lu.)

De tous temps l’homme a essayé de donner un sens à ce qui l’entourait et de le magnifier. Laissez-vous porter par l’inspiration des bardes et composez vous aussi votre légende à l’époque qui vous plaira, tous genres de l’imaginaire confondus. Certes, on peut garder en mémoire les hauts-faits de Gudrul le Preux, 112ème chevalier de la Table Ronde, mais on peut également imaginer la légende d’un contrebandier de l’espace, d’un pistolero, d’un sombre dieu jusqu’à nos jours oublié du grand public (qui a parlé de Lovecraft ?), d’un personnage historique revisité ou réinventé… Et bien sûr, la part belle sera aussi faite aux légendes urbaines : vous savez, cette petite vieille qui vit au bout de votre rue, et dont tout le quartier affirme en chuchotant que c’est une sorcière, une vraie.
Les textes proposés devront mettre en avant le caractère légendaire du personnage (ou du lieu), que ce soit par l’héroïsme, ses caractéristiques exceptionnelles, voire son côté mystificateur cynique – comme certains de ces hommes de pouvoir qui vont jusqu’à forger leur légende « officielle » de leur vivant.

La date limite de remise des textes est fixée au 6 juillet 08 et le nombre de signes à 50000 par texte (espaces compris).

Pour tout envoi de texte ou de question : jacques.fuentealba[at]gmail.com ou eric[at]kymeracomics.com

Les textes retenus seront rémunérés à hauteur de 20 € (plus deux exemplaires papier) et feront l’objet d’un contrat d’édition de deux ans, au bout desquels les auteurs récupéreront leurs droits sur le texte.
_________________
Tout sur Kymera / Drakosia / Outworld :
http://www.outworldeditions.com
http://www.kymeracomics.com
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Tuesday, February 05, 2008

Voilà le début de mon roman Emile Delcroix et l'ombre sur Paris, que je poste sur ce blog ainsi que sur mon myspace... Je me résous pas vraiment à me défaire de ce blogspot, en me disant qu'il y a peut-être là au bout du réseau, devant un écran, quelqu'un qui lit ce blog, même s'il ne laisse pas de message... :)) Ci-dessous donc, le prologue et le premier chapitre du roman. Tout commentaire sera le bienvenu...



EMILE DELCROIX ET L’OMBRE SUR PARIS

Jacques FUENTEALBA

Prologue

Mai 1862.

Une vie bouillonnante de jeunesse, trépidante, faite d’aventures et de Chefs d’œuvre, une vie qui ne demandait qu’à s’épanouir, qu’à se réaliser… Une vie qui s’écoulait dans le caniveau.

Roland Delcroix plaqua sa main droite contre la plaie. Geste futile, le sang continuait de s’en échapper avec le même flot rapide, effrayant. Il allait mourir, quoi qu’il entreprenne. Mourir comme sa Muse, qui avait fini broyée dans le poing de la monstrueuse créature.

Qu’était cette chose qui l’avait attaquée en pleine nuit, au cœur de Paris déserté ? L’obscurité presque complète de la sinistre ruelle l’empêchait de distinguer mieux son agresseur. Une forme humanoïde gigantesque aux étranges reflets, un golem peut-être.

Il revenait d’une retenue que lui avait imposée son professeur M. Goya Santángel. Cette chose lui était tombée dessus sans crier gare. D’un simple coup de griffes, elle l’avait éventré.

Puis elle avait saisi sa Muse à pleines mains et l’avait écrasée. Sa Muse !

C’était impossible, personne ne pouvait toucher la Muse d’un Artiste sans son autorisation expresse. Elle était immatérielle pour tout le monde, sauf lui. C’était bien ce qu’il avait appris en cours ? Mais il existait tellement de choses inconnues sous le ciel…

Une ombre, une grande ombre allait recouvrir Paris, se mit-il à délirer, à l’agonie.

Dans sa main gauche la présence de sa plume sembla se rappeler à lui. Une belle plume de phénix d’Equateur. L’ironie lui fit grimacer un sourire.

La chose monstrueuse s’était figée, aussi immobile que les murs froids et silencieux autour. Ses yeux luisants de pierre se contentaient de contempler sa mort lente, inéluctable.

La vue de Roland Delcroix se troubla, ses pensées se dispersèrent. Puis l’espoir, la survie revinrent s’accrocher à sa chair moribonde, lui insufflèrent une dernière réflexion.

La plume… Elle était encore là, dans sa main.

Il devait essayer, même si tous disaient que c’était voué à l’échec.

Sans Muse, pas d’Inspiration, et sans Inspiration, pas d’Arsestrange possible.

Il approcha la plume tremblante de sa plaie. En temps normal, même en la trempant avec son propre sang, il aurait pu refermer sans problème la blessure…

Il ne devait pas y réfléchir. Simplement agir. Il n’y voyait plus clair maintenant, mais même à l’aveuglette, il parvint à poser la pointe sur les bords de sa chair déchirée et les lui fit parcourir.

Il sentit un léger frémissement, rien de plus. Un léger, désespérant frémissement.

L’Inspiration s’était enfuie, le laissant seul face au monstre, avec sa vie, son sang, ses pensées s’écoulant dans le caniveau.

« A l’aide » croassa-t-il, alors qu’il voulait hurler.

L’image de Luzarch, son premier professeur en Arsestranges tournoya dans sa tête. Il aurait voulu se réconcilier avec lui avant de mourir. Puis il revit une dernière fois ses parents, son cousin, ses amis de province et de l’Académie. Ils le regardaient tous, muets, comme s’ils attendaient quelque chose de lui.

Le froid s’empara de son être, une vague de blancheur cristalline l’emporta.


Chapitre Un : La Première à l’Odéon

Le Tout Paris était réuni sous le dôme rutilant de l’Odéon. Les nombreuses classes de la capitale se côtoyaient ou s’évitaient. Titis, gavroches, cosettes et grisettes, vendeurs de journaux éreintés, soldats à la solde maigre comme une peau de chagrin emplissaient la fosse. On trouvait là aussi des étudiants bravaches et surexcités ainsi que des cheminots couverts de suie. Mille activités occupaient ce groupe hétéroclite et bruyant, ils fumaient, bavassaient, buvaient, se chamaillaient ou jouaient aux cartes ou aux dés. Grelot, le vieux borgne à l’œil mauvais qui vous clouait sur place, passait dans ces rangs indisciplinés pour haranguer les uns et les autres dans un sabir incompréhensible. Mais on le connaissait bien et on le laissait tranquille, ce pauvre hère à moitié fou qui avait élu domicile sous un porche de la place Saint-André-des-Arsestranges. Il suffisait d’un geste rapide de la main, d’un « Hola ! » crié un peu plus fort que de coutume et il s’éloignait, effarouché, en quête d’un autre auditeur.

Ensuite venaient les gens du monde, qui ne frayaient pas avec la plèbe, mais attendaient patiemment que la représentation commence. Bien mis et polis, venus en famille, drapés dans une même dignité et par un même tailleur, riches paysans des campagnes ou bourgeois de petites villes de province, montés à Paris pour voir la Capitale. Tous avaient en horreur le chaos et le tumulte du peuple qui s’agitait devant eux.

Les convenances les vissaient à leur fauteuil, et souvent un garçonnet ou sa petite sœur se faisait réprimander dès lors que l’un ou l’autre remuait trop. Il ne fallait pas qu’on les assimile à ces gens-là.

Enfin, derrière et dans l’ombre, comme des prédateurs de l’assistance qui emplissait la fosse et les fauteuils, se tenaient perchés dans leur loge les grands seigneurs et les puissants bourgeois qui faisaient la vie de Paris et défaisaient celle des hommes.

Emile, jeune pratiquant des Arsestranges de tout juste dix-sept ans, fraîchement monté de sa province depuis le début de son année scolaire, n’était pas à l’aise parmi ces oiseaux de proie. Sa place — il le savait bien — était au milieu des étudiants qui chahutaient et jouaient au jeu de paume avec le béret d’un de leurs malheureux camarades. Comme souvent lorsqu’il sentait la nervosité le gagner, Emile se mit à jouer avec une craie qu’il sortit d’une poche intérieure de sa blouse.

Un de ces rapaces en particulier lui faisait littéralement froid dans le dos. Il se tenait debout contre le balcon de sa loge, à quelques mètres à peine de celle qu’occupait Emile. Un homme grand et sec dont la peau blanche semblait fine comme du papier bible, nippé d’une informe tenue grise. Ses cheveux blancs tombaient, raides et disciplinés, de chaque côté son visage. Quelque chose en lui dégageait un mystère trouble, doublé d’une mélancolie poignante. Il semblait trop statique, trop figé, évoquant irrésistiblement à Emile la figure infernale du Commandeur. Un frisson glacial descendit lentement son échine, le laissant tétanisé.

Le jeune homme secoua sa tête aux boucles châtain et tacha de ne plus faire cas de cet étrange bonhomme... En vain, cette impression de froid grelottant continua à l’habiter pendant plusieurs minutes.

Sa chère Floriane lui avait trouvé une place de choix en lui assurant que le Sieur Antoine de Montaillère n’allait pas occuper sa loge ce soir-là. Elle était allée jusqu’à le conduire à sa place pour s’assurer qu’il serait vraiment bien installé.

La scène était pudiquement cachée par un rideau de velours bordeaux, aussi reporta-t-il son attention sur l’assemblée hétéroclite.

Il se lassa bientôt de la bruyante activité de la fosse et de l’immobilité des occupants des fauteuils. Les loges étaient plus intéressantes à observer et son œil aigu de Peintre aimait à s’attarder sur ces petits espaces privatifs emplis de la personnalité de leurs propriétaires. Il pensait pouvoir y trouver là un peu d’inspiration pour son Art, qui sait.

La loge qu’il occupait n’offrait pas grand-chose d’intérêt au regard, Monsieur de Montaillère ne devait pas la fréquenter souvent, car la décoration restait très sobre. Juste une petite toile plaisante représentant une scène champêtre accrochée à l’un des murs, une canne et un chapeau qu’il devait avoir oubliés là.

En face par contre, il ne pouvait que remarquer le balcon richement orné du Duc de Fer, tout en sculptures dorées et moulures en bronze, aux tentures délicates venues d’Orient, débauches d’ocres et de turquoises profonds. Et le duc lui-même, pièce maîtresse de ce tableau, qui ne quittait jamais en public son armure étincelante de mille feux.

Et la loge de l’Ambassadeur d’Angleterre, Lord Redcairn, présentant d’infinies variations sur le thème du rouge. Fauteuils écarlates, voilures et rideaux carmin, murs vermeils.

Les armoiries de la famille Redcairn — dragon enserrant un cœur dans sa griffe — pendaient avec ostentation depuis le balcon, tel un inquiétant étendard guerrier. Le tissu était agité de tremblements légers mais constants, qui animaient le monstre belliqueux.

L’ambassadeur en personne était là, ainsi que son fils, Byron Fierce Redcairn, tous deux visibles de très loin avec leurs cheveux d’un roux flamboyant.

Le cœur d’Emile manqua un ou deux battements, assailli par des sentiments mêlés.

La colère et une forme de jalousie pernicieuse, qui ne disait pas son nom, mettaient sa poitrine en feu. La violence de sa réaction l’étonna presque.

Son rival ne se privait pas de lui faire sentir sa propre animosité, à la moindre occasion.

Leurs regards se croisèrent et Emile reçut de plein fouet la morgue méprisante qu’il dégageait, aura de malveillance presque palpable.

Dès le premier jour de cette rentrée à l’Académie des Beaux-Arsestranges, lorsque leurs regards s’étaient accrochés, il avait senti tout ce qui les séparait de façon irrémédiable et tout ce qui pouvait leur être commun et les amèneraient fatalement à s’opposer l’un l’autre.

Emile se savait doué, c’était d’ailleurs pour cela qu’il avait des années d’avance et que le ministère des Arsestranges lui avait accordé une bourse exceptionnelle, mais Byron laissait s’exprimer en cours un talent qui confinait au génie.

Et lorsque, dans cet amphithéâtre de la Sorbonne, leurs yeux tombèrent, au même moment sur l’angélique visage de Floriane, il sut qu’il avait scellé avec Byron sans un mot un pacte d’agression.

Le jeune noble anglais finit de le fixer et se pencha vers son père pour lui glisser quelques mots.

Ils partirent tous deux d’un rire discret et guindé. Emile était sûr que son rival plaisantait à ses dépens.

Il serra son poing et la craie qu’il faisait jusque là tourner entre ses doigts se cassa en deux.

Le sourire de Byron s’élargit, comme en réponse à la colère du roturier.

Trois coups rapides retentirent, suivis de trois coups plus lents. Le rideau se levait, la pièce commençait.

Dès lors, le regard d’Emile fut absorbé par la scène, par la magie qui se dégageait des planches, qui se répandait sur le parterre et venait éclabousser les balcons des loges.

La réalité prenait des couleurs inédites, chatoyantes et brillantes au fur et à mesure que les acteurs peignaient une autre ville, une autre époque.

Florence au temps de Charles-Quint, riche et décadente.

Sa douce amie, Floriane, brûlait les planches par sa présence. Le premier rôle lui allait à merveille. Splendide dans ce rôle de jeune homme torturé et veule, elle tenait l’auditoire dans le creux de sa main.

Chacun ressentait les sentiments qu’elle jouait, tous voyaient clairement le décor qu’elle faisait revivre en parlant avec la voix des morts. Auteur d’un temps qui voulait partager sa vision, anciens habitants de la cité italienne, réels ou idéalisés…

Tant de passions, de colère et de doute, de vibrantes émotions passaient dans ses yeux, dans l’intonation de ses mots, phrases qui s’arrêtaient à la recherche de son public, en quête d’un sens à donner à l’absurde, et qui repartaient de plus belle, chargées d’une nouvelle conviction.

L’assistance en son entier éprouvait au plus profond de son cœur les atermoiements du jeune Lorenzaccio, aux prises avec lui-même.

Tuer pour retrouver sa pureté ?

Trahir pour servir sa patrie ?

Seuls les plus endurcis parvinrent à retenir leurs larmes quand la fin, tragique, mena le prince au tombeau.

C’est les yeux baignés de pleurs qu’Emile se leva pour applaudir à tout rompre, avec le reste de l’assistance. Chaque rappel diffusait dans l’air des vestiges de ces formidables heures qui semblaient n’avoir duré que le temps d’un soupir. Du plus jeune ruffian jusqu’aux grands ministres de Napoléon III, ils garderaient tous en mémoire le souvenir de cette ville renée sous leurs yeux, grâce à l’Art du Théâtre. Pendant des jours encore, ils parcourraient et les rues de Paris et les calli de Florence, pourraient converser avec les Italiens d’alors, leur acheter même des objets de cette époque, jusqu’à ce qu’ils deviennent flous et s’estompent, ainsi que cette mémoire qui n’était pas la leur.

Le Censeur de l’Empereur avait observé toute la pièce dans une complète immobilité.

Impossible de savoir ce qu’il pouvait penser, le visage dissimulé derrière un masque bleu de cobalt frappé d’abeilles d’or.

Emile s’assura que les Acteurs avaient bien fait leur dernier rappel et, dévalant les marches quatre à quatre, se précipita vers la loge de l’élue de son cœur. Il connaissait le chemin sans peine, mais même sans cela, il aurait été difficile de ne pas la trouver. Une foule d’admirateurs l’avait précédé et se pressait à la porte. Ils s’extasiaient, dans leur enthousiasme, en toscan du 16ème siècle.

A quelques pas, à l’écart de cette foule se campait l’ambassadeur britannique, le monocle brillant et le sourcil arqué. Ses traits aigus, ses yeux miel et or affichaient un air plus hautain et méprisant que jamais.

Le temps d’une seconde, il darda sur le jeune Artiste son regard et le détourna aussitôt, comme s’il l’avait jugé indigne de son attention.

Emile eut un mauvais pressentiment. Il se demanda où pouvait être l’héritier Redcairn et se força un passage à l’intérieur de la loge pour en avoir le cœur net.

Il aperçut Byron par-dessus deux épaules d’admirateurs. Son rival faisait un baisemain à l’Actrice, après lui avoir remis un énorme bouquet de roses rouge sang.

Il lui sembla que Floriane mettait mille ans à reprendre sa main. Mille ans pendant lesquels il rongea son frein en silence, le cœur menaçant d’éclater dans la poitrine.

L’Anglais tourna nonchalamment les talons, non sans adresser au passage un sourire triomphal à Emile avant de quitter la pièce.

Les badauds s’écartèrent du chemin du jeune homme aux cheveux de feu.

Sentaient-ils, comme Emile, l’aura malveillante qu’il dégageait ?

Du moins, le jeune homme sentait combien leur enthousiasme avait été entamé. La jeune Actrice, resplendissante, qu’ils étaient venus visiter ne semblait pas leur prêter attention. D’un air indolent, elle lissait ses cheveux émeraude qu’elle avait gardés tout le spectacle durant attachés pour lui donner un air de garçon. Le maquillage encore plaqué sur son visage, qui masculinisait son expression, ne parvenait pas à l’enlaidir. Mais elle était distante, si lointaine…

Détachée, sa chevelure formait une cascade d’un vert éblouissant où venait se noyer tous les espoirs, soupirs et débris de cœur de l’assistance. Et elle restait insensible, ses yeux d’un même éclat émeraude perdus dans un ailleurs inaccessible. Mille morts, deux époques qui se confondaient sous un même crâne. Tout cela pour une seule âme.

Emile essayait de concevoir cela. Son propre Art ne s’exprimait pas de cette façon. C’était cette différence qui, chez Floriane, fascinait tant le jeune homme. Ça et tant d’autres choses. A son contact, il éprouvait des sensations tellement inédites… tellement troublantes, à la fois exquises et effrayantes. A son contact… Il n’était plus lui-même… Ou peut-être au contraire était-il vraiment lui-même. Instants privilégiés où il entrevoyait un but, une finalité pour chaque autre moment de son existence.

Floriane prit un petit mouchoir en soie jusque là caché dans son giron et s’apprêta à retirer son fard blanc cerné de noir aux yeux. Elle allait quitter la Peau du personnage, se déprendre de cette personnalité imaginaire et pourtant si réelle, si ancrée dans l’Acteur qui apprenait son texte et s’imprégnait de l’Art jusque dans son sommeil profond. Elle allait renvoyer à des limbes temporaires cet autre qui était elle-même… jusqu’à quel point ?

Amour et mort, toujours. Emile pensa une seconde, juste une seconde, à la Voix de la Sorbonne. Puis il chassa cette image funeste de son esprit.

Il se retrouva nu soudain devant celle qu’il aimait plus que tout au monde, tout souvenir envolé, tout mot enfui de sa bouche desséchée.

L’instant, juste l’instant présent, marqué par son cœur qui assénait de rapides secondes retentissantes à tout son corps.

Floriane commençait à revenir de ses rêves lointains ou de sa petite Mort, ce laps de temps terrible où le personnage s’effaçait et la véritable personnalité n’avait pas encore tout à fait repris sa place. Un phénomène aussi long et périlleux que le retour d’Orphée depuis les Enfers. Floriane le voyait-elle enfin ? Ses sourcils s’arquaient, peut-être signe d’étonnement, peut-être un agacement…

Le jeune Peintre bafouilla un bonsoir qui s’éteignit, absorbé par le silence soudain qui s’était engouffré dans la pièce.

L’homme effrayant à la peau blanchâtre aperçu plus tôt dans la soirée venait d’entrer dans la loge et était passé devant lui avec la discrétion d’un courant d’air.

La foule pressée devant la porte avait battu retraite, comme échaudée par la présence de cet individu dégingandé.

Le nouveau venu semblait ne pas avoir son pareil pour créer le vide autour de lui. Il s’était placé de telle façon que la jeune Actrice ne pouvait plus voir que sa grande masse informe.

« Drussel ! entendit dire Emile. Vous avez pu venir ? »

Sa douce amie s’exprimait avec encore une légère intonation chantante, propre à l’italien.

Le grand escogriffe répondit d’une voix traînante et basse, à l’accent slave ou germanique marquée :

« Je n’aurais pour rien au monde raté pareil spectacle, ma chère enfant.

— J’espère que cela vous a plu… »

Il y avait maintenant dans la voix de la jeune fille comme une note d’appréhension. Peut-être une volonté de ne pas décevoir.

« Sois-en assurée », répliqua-t-il sur le même ton monocorde.

Emile ne voulait pas se démonter. Pas alors qu’il était sur le point de parler à Floriane, de l’inviter, avec ses maigres économies, à aller manger… Quelque part…

Sa sensibilité exacerbée d’Artiste lui faisait éprouver l’énergie ou plutôt l’absence d’énergie que dégageait par vagues glacées le Drussel en question. Le simple fait de se tenir à quelques pas de lui déclenchait chez Emile une sorte de nausée fiévreuse, chargée d’images funèbres et mélancoliques. Le noir mordoré de fleurs fanées, le vert sombre d’étangs stagnants, la nuit insondable et la blancheur sale et crue d’une lune blafarde explosèrent avec lenteur sous son crâne.

Il lui fallait contourner cet obstacle monolithique, désespérant. Maintenant.

Mais il se retrouvait englué dans cette langueur nostalgique.

Comme dans un rêve, il entendit la voix de Drussel laisser tomber des mots en l’air avec la lourdeur de coups de masse frappés sur une enclume. Des mots qu’Emile voulait prononcer, des mots qui trahissaient le jeune homme, car ils ne lui appartenaient plus.

« La reine de la soirée me fera-t-elle l’honneur de m’accompagner dîner à une bonne table parisienne ? »

Le rire cristallin de l’Actrice retentit, mais Emile ne parvenait toujours pas à l’apercevoir, cachée qu’elle était par la masse de Drussel.

« Je me vois malheureusement contrainte de décliner l’invitation, finit-elle par dire, sans donner plus d’explication.

— Bien. Je comprends. »

Un soupir si ténu qu’il en devenait presque inaudible s’échappa de la bouche de l’importun. Emile frissonna malgré lui, comme enveloppé quelques instants dans un mauvais courant d’air. Puis la sensation se dissipa et il nourrit l’espoir insensé que, si Floriane avait décliné l’invitation de Drussel c’était pour répondre présente à la sienne.

Avec la même discrétion, le triste sire se retira.

Enfin, le jeune Artiste se retrouvait en tête-à-tête avec son amie.

« Flori… » commença-t-il avant de s’arrêter net.

Il n’était pas sûr que la personne qui se tenait devant lui était bien celle à laquelle qu’il pensait.

Tout son maquillage n’était pas encore parti, ce noir sous ses yeux.

Le Lorenzaccio qui la hantait palpitait encore quelque part derrière les fenêtres de son âme.

Emile essaya de savoir, immobile, à qui il avait affaire.

La petite Mort... Mais elle revenait peu à peu à elle-même.

Pour la centième fois, il s’étonnait de ce phénomène Artistique extraordinaire, qu’il avait étudié en long et en large en cours de Mort à la Sorbonne. Il considérait les Arsestranges pour lesquels il n’avait aucun Talent, tout bonnement fascinant, qu’il s’agisse de la Musique, de l’Opéra, de la Poésie ou du Théâtre. Comme beaucoup d’étudiants des Beaux-Arsestranges, il avait une idée pour le moins nébuleuse des applications exactes de la Peinture, de la Sculpture, de la Pictomancie, de l’Archigéomancie et des autres Arts plastiques qu’ils apprenaient. Ils pouvaient défier les lois de l’espace et du temps, pour peu qu’ils puisent en profondeur dans leur Talent… Encore fallait-il apprendre toutes les techniques nécessaires à l’épanouissement de ce Talent. Pour les autres Arsestranges, les connaissances réelles d’Emile restaient très réduites. Ça se limitait souvent à de simples suppositions…

Les Acteurs parvenaient à extraire de l’au-delà des personnages historiques, légendaires ou fictifs, sans le plus souvent de distinction possible. Fantôme, fantasme ? La démarcation était trouble.

Le Richard III de Shakespeare était-il celui de l’Histoire ? En existait-il alors plusieurs dans cet ailleurs ?

Création, illusion, réalité…

Floriane finit de se démaquiller avec des gestes précis, concentrée devant le grand miroir de sa loge. Elle prenait bien soin de ne laisser aucune écaille de personnalité troubler son teint naturel. Sa douce carnation rosée reprit possession de ses joues.

Si elle laissait à la Béhue le soin de la grimer, elle mettait un point d’honneur à toujours se défaire elle-même de la Peau de son personnage.

« Floriane. »

Allait-elle faire attention à lui, finalement ? Vraiment ?

« Oui. »

Elle posa sur lui deux émeraudes plus denses que le cœur d’une forêt vierge. Les yeux gris vert d’Emile ne parvinrent pas à soutenir ce mystérieux regard possédé.

Puis, peu à peu, leur éclat quitta les ténèbres pour retrouver la brillance caractéristique de son regard, ce vert très pâle, liquide et presque phosphorescent. La marque inimitable, avec ses cheveux, des Enfants de la Fée Verte.

Il sut alors qu’elle était à nouveau tout à fait elle-même.

« Oui, répéta-t-elle, mais non. Je sais ce que tu comptes me demander.

— Mais, commença Emile, le cœur battant la chamade.

— Je dois fêter la première avec la troupe, le coupa-t-elle. Je suis sûre que tu comprendras, Emile. »

Le ton sonnait sévère à l’oreille du jeune homme, mais il lui sembla que la façon dont elle enveloppait son prénom avec son souffle, avant de le poser doucement à la fin de sa phrase était tout bonnement délicieuse. Il pouvait bien lui pardonner tous les refus.

« Est-ce que… » osa-t-il d’une voix timide, la respiration coupée.

Elle posa un doigt sur ses lèvres pour lui épargner la peine de finir sa phrase et l’embrassa sur la joue.

« Demain non plus, ça ne sera pas possible. Je suis vraiment débordée. »

Elle lui avait adressé ces quelques mots avant de quitter la pièce et Emile resta de longues minutes à se demander comment elle avait franchi l’espace la séparant de la porte sans qu’il s’en aperçoive. Il était assurément sous son charme, piégé dans la toile d’une douce rêverie amoureuse.

Soudain, il réalisa qu’il était tout seul et se résolut à quitter lui aussi la loge de l’Actrice. Les roses rouge sang qui trônaient sur la table à côté de lui semblaient le narguer. Il s’apprêtait à se lever quand il entendit des éclats de voix résonner dans le couloir. Il lui semblait reconnaître la voix de celui qui criait.

Poussé par la curiosité, il s’approcha de la porte et coula un œil en direction de l’altercation.

Oui, c’était bien lui. Son professeur de pictomancie M. Kwan Liu Olafsson et son accent reconnaissable entre tous.

Le métis sino-scandinave agitait son doigt sous le nez de Drussel, la présence inquiétante qui venait de rendre visite à Floriane. Ses cheveux d’un blond platine s’agitaient en cadence autour de son visage aux traits asiatiques.

« Hors de question, Drussel, que je travaille à nouveau avec toi. Tu n’obtiendras rien de moi. »

L’expression mélancolique de l’homme blafard était plus prononcée que jamais. Il lâcha un faible « Kwan Liu » dans un murmure presque inaudible, mais l’intéressé s’éloignait déjà à grands pas.

Il resta là, interdit quelques instants dans le couloir, puis se retourna comme s’il avait senti la présence du jeune Peintre.

Il le fixa avec intensité, toute émotion ayant déserté son visage, avant de lui adresser la parole :

« Vous êtes Emile, n’est-ce pas ? »

Le jeune homme resta en attente, ne sachant trop que répondre. Maintenant qu’ils se tenaient face à face, à quelques pas, il discernait le réseau de veinules bleutées qui parcouraient son visage crayeux.

« Emile Delcroix ? insista l’étrange personnage. Mademoiselle Rochebourg m’a beaucoup parlé de vous. »

L’intéressé tiqua. Il ne savait pas s’il devait se sentir flatté ou non de cela. Ce… Cette personne ne lui inspirait rien qui vaille. En général, il se fiait à ses intuitions, qui tombaient plutôt justes. Une atmosphère mélancolique et funeste imprégnait toujours l’abord immédiat de son interlocuteur.

« C’est bien moi, Monsieur, finit par répondre l’étudiant des Beaux-Arsestranges.

— Enchanté. »

Une main fine et pâle se détacha de la masse grise que formaient ses vêtements. Un frisson parcourut Emile au léger contact de ces doigts glacés dans sa propre main. Jamais il n’avait éprouvé une sensation tactile aussi désagréable. Telle une anguille, la main de Drussel se faufila et disparut dans sa veste informe.

« De même.

— Eh bien, fit Drussel après un silence de quelques secondes, il semblerait que nous nous retrouvions tous deux… « le bec dans l’eau ? » Est-ce comme cela qu’on dit en français ? »

Emile acquiesça, sans plus de gaieté de cœur. Il n’appréciait pas vraiment la comparaison. Il pensait ne rien avoir en commun avec Drussel. Ni avec un quelconque prétendant supposé de Floriane. Il les surclassait tous.

« Je vous propose que nous dînions ensemble. Nous ferions ainsi mieux connaissance. Je suis très intéressé par l’Art en général et la Peinture en particulier… Curieux également de voir votre travail.

— C’est que… »

Emile réfléchit rapidement aux excuses qu’il pouvait avancer sans froisser sa nouvelle connaissance. Il se rappela que rien ne l’attendait chez lui, dans sa petite mansarde sous les toits, pas le moindre morceau de viande, fruit ou brouet, que son camarade de cours, Eustache, n’avait pas reparu depuis plusieurs jours et qu’il finirait sûrement la soirée à se désoler sur son occasion manquée…

« N’hésitez plus, trancha Drussel, je vous invite. Ne vous tracassez pas pour cela. »

Le jeune homme s’apprêta à répondre, mais son estomac fut plus rapide, qui émit un gémissement pathétique.

Pour le meilleur ou pour le pire, il allait en tout cas manger à sa faim ce soir… En étrange compagnie.


Saturday, January 26, 2008

Atelier d'écriture, troisième séance avec Catharsis :

J'en avais pas parlé avant, la flemme très sûrement. On fait un atelier d'écriture dans le cadre de l'association Catharsis, avec Anaël un scénariste issu de l'école CEEA. C'est très enrichissant et un peu destructeur également. Mais pour construire il faut souvent détruire avant, pour bâtir quelque chose de plus solide, de plus structuré.
J'avoue pas avoir tout assimilé, ne pas être sûr de tout avoir compris non plus, même maintenant qu'on a fait trois des quatre séances prévues pour cette année.
Le but ? Arriver la première séance avec une idée, une ambiance qu'on voudrait rendre dans un texte, éventuellement un vague synopsis, des idées jetées sur une feuille de brouillon. De là on fait des exercices pour bien cerner les structures archétypales des récits, ce qu'on va retrouver sur tout récit, notamment "quelques équations", des os de squelettes propres à l'espèce des textes :
On a un Protagoniste qui a un Objectif, mais un Antagoniste se dresse contre lui (son propre Objectif vient percuter plus ou moins frontalement celui du Protagoniste).
Après la deuxième séance, nous avions fini d'écrire notre plan pour écrire la nouvelle avec laquelle nous étions venus. Pour mon cas, ça tenait en une page et ça mettait en lumière les principaux axes qui devaient ressortir :

Incident déclencheur, noeud dramatique, point de non-retour, anti-climax, climax, résolution

Entre les ateliers 2 et 3 nous avions ensuite rédigé chacun nos textes... Là aujourd'hui, c'était une série de petits exercices sympa, toujours autour du pitch : ce résumé d'une ligne sur un texte, qui dit qui est le Protagoniste, quels sont son Objectif et son Antagoniste. Puis sur le thème et le point de vue également.
Un point en particulier, que j'avais déjà déduit en écrivant depuis le temps, mais qui m'est apparu plus clairement en travaillant cela dans l'atelier de ce jour, c'est l'intérêt pressant pour l'auteur - s'il ne veut pas que son lecteur s'emmerde - de parvenir à insérer les informations qu'il veut distiller au fil du récit, information sur l'univers mais également caractérisation des personnages, dans les dialogues et dans l'action. Et non, comme on aurait trop souvent tendance à le faire dans des introspections, réflexions, apartés du protagoniste.
L'exercice qui consiste à écrire une caractérisation d'un protagoniste à travers des actions et/ou dialogues, en focalisation externe (le narrateur ne sait pas ce que pense le personnage en question) est particulièrement formateur : essayez pour voir, c'est assez fascinant, même si ce n'est pas toujours évident ! C'est vrai que cette approche apporte beaucoup au récit, en rapidité et en concision, je suppose, quand on parvient vraiment à réussir cela.
Content en tout cas que l'on avance et qu'on apprenne, tout en étant renvoyé à nos propres capacités, notre propre univers intérieur, mais toujours avec cette idée qu'on écrit pour un public, qu'on doit avec une exigence pour se faire comprendre et parvenir aux effets qu'on s'était proposé...
Peut-être que j'aurais moi la flemme pour écrire un billet sur le dernier atelier de la saison.
Ah oui ? Pourquoi c'est rangé dans la Foire à l'empoigne littéraire. C'est que certains trouvent que ce type d'atelier ne sert à rien. En France, mais je pense que cela est en train de changer, un certain culte au mystère de l'artiste existe, assez exaspérant. Un auteur pratique une sorte de magie littéraire incompréhensible du commun des mortels, on ne va pas remettre en question son pouvoir : il ne peut pas être analysé, quantifié, disséqué : essayez et on vous balancera des mots métaphysiques, comme certains lanceraient des chapelets d'insultes !
ça donne à peu près ça : Intuition, talent, Muse, génie, "peux pas comprendre, fils d'ouvriers" (ça c'est pour celui qui a le malheur de critiquer).
C'est ce que je regrette un peu sur certains atelier d'écriture : l'impression qu'on ne cherche pas à aller jusqu'au bout de la chirurgie des mots. On doit avoir les mains pleines de camboui et/ou de sang quand on a fini d'analyser son propre texte non ? Des bouts de tripes partout, des éclats d'os qu'on a cassés à la scie égoïne. Si ça se limite à dire : "oui, j'ai bien aimé ton texte... ou ton texte est agréable, mais il ne m'a tout à fait touché (ça c'est la litote pour dire : ta nouvelle est une sombre merde, mais je peux pas te le dire car en plus d'être doué d'un égo surdimensionné quant à ton "art" tu es dépressif au dernier degré et je veux pas ton suicide sur ma conscience et ta cervelle sur ma chemise...)
Et c'est vrai que des fois (souvent), bah on a pas envie de jouer aux apprentis bouchers avec ses propres textes : c'est bien plus marrant quand c'est le textes des autres, hein ?
Mais c'est libérateur, en fait ! Content qu'on fasse ça dans nos ateliers. Enfin, si je dois vraiment me faire lyncher et pressionner méchamment pour sortir le jus attendu, qui va dans le sens de l'exercice donné, je sais que ça laissera des traces... mais on s'appelle pas Catharsis pour rien non ?
Et c'est dans la pression, quand on est poussé dans nos derniers retranchements que des déclics, des révélations se produisent. Avoir un animateur qui te fait :
"Non. C'est pas ça. Il faut que tu ailles plus loin, va encore plus loin, il faut qu'on sente vraiment le conflit, l'implication du personnage, ce qu'il met en jeu, à quel point ses intérêts percutent ceux de l'antagoniste et comment ce conflit se traduit", avoir cet animateur là qui te force à cracher des tripes sur la feuille à les mélanger à celle de ce texte que tu tritures, ça permet vraiment de vivre l'écriture !




Friday, January 25, 2008

Quelque chose...

Voilà, pour revenir à l'article précédent, je me rends bien compte que j'ai écrit quelque chose... C'est bien ça le problème. C'est une chose informe, là, posé au milieu de mon bureau en désordre, à côté de mon ordinateur : un monstrueux rejeton littéraire, un nouveau-né dont je suis obligé de reconnaître la paternité, mais pour l'instant, avant les premiers soins, j'en suis pas très fier...

Ouaip, j'ai écrit un roman, encore un, mon troisième premier roman et je compte bien qu'il soit publié un jour. Mais dans l'état actuel, il reste beaucoup de corrections. Marrant que je trouve un premier mouvement de recul, et angoissant à la fois : marrant parce qu'on met d'habitude plus de temps à trouver un certain recul par rapport à son dernier texte en date, angoissant parce que je vois que le mioche est bancal, moche et mal foutu, mais j'ai beau penser à tout ce que je pourrais faire pour l'embellir et lui rendre la vie plus facile, j'ai peur de passer à côté de beaucoup de corrections.

Et puis j'ai envie de dire à tous les bêta-lecteurs, à chaque nouvelle page recorrigé, non non non, le lisez pas finalement, n'entrez pas dans la salle d'opération, on a pas encore tout bien fini, non non non, en fait c'est pas bon là, il y a encore beaucoup de boulot !!

Monday, January 21, 2008

Emile Delcroix et l'ombre sur Paris

Voilà, j'ai écrit jusqu'à l'épuisement, mais étrangement, contrairement à ce que j'aurais pu croire, pas jusqu'au dégoût, au contraire... J'ai écrit la fin de mon roman, sur un rythme pour moi frénétique, avec une moyenne de 7000 à 10000 signes par jour, pendant deux semaines, avec quelques petits breaks... Mais c'était plus ou moins ça le programme : écrire pendant ma pause, rentrer le soir, écrire jusqu'à deux heures, trois heures du matin, repartir au travail en attendant impatiemment la pause, puis en attendant à nouveau le soir, pour écrire... Eprouvant pour les nerfs notamment au niveau du sommeil et de ce désir, toujours plus grandissant, de frapper le mot "fin".
Mais bien sûr, ce n'est pas "fin" qu'il faut lire, mais "feint"... Car maintenant il reste tout le travail de relecture et de réécriture. Au moins, la boucle est bouclée, j'ai conduit mes personnages là où je le souhaitais, même si j'ai une fin alternative dans ma besace.
L'impatience s'est mue en autre chose, elle est plus diluée, mais encore présente. C'est le désir de finir les corrections, de remplacer "feint" par "fin"... enfin, puis d'avoir le retour des bêta-lecteurs, et qui sait des éditeurs et du public.

C'est l'heure pour moi d'aller dormir... Avec un vrai soulagement, celui démultiplé, que je ressens déjà lorsque je finis une nouvelle, le sentiment - sans jugement de valeur sur l'oeuvre - d'avoir accompli quelque chose.

Friday, January 18, 2008

2008 vs 2007 ?

A la base j'avais écrit ces voeux pour les publier dans un webzine, mais j'ai pas reçu de réponse, pas même d'accusé de réception. Soit ils ont trouvé ça trop politiquement incorrect, soporifique et long, soit ils s'en foutent. Alors je profite de mon blog pour les publier ! Vous sentez pas obliger de tout lire si ça vous soûle et/ou vous désespère !

Ce Réveillon de la St Sylvestre m’a laissé un goût d’inachevé…

Non, non… Ce n’est pas que le repas ait été mauvais, ni les boissons d’ailleurs (encore que le Muscat ne passait vraiment pas…)

C’est juste… Je ne sais pas.

J’aurais bien voulu avoir tous les miens autour de moi, peut-être sortir et faire une nouba d’enfer, claquer mes tunes — ou celles des autres, hein ? — comme un président tout juste élu.

Mais voilà, on ne dépense pas l’argent qu’on n’a pas.

En fait, ce n’est que deux jours plus tard que j’ai compris ce qu’était ce goût d’amertume : des relents de toute une année pourrie, trop salée pour moi, et pour beaucoup d’entre nous.

Je n’entends, dans une certaine presse, que parler de la France qui réussit, de ces politicards bling-bling qui tireront la France d’en bas vers le haut…

Je n’entends, autour de moi, que des amis, des proches, des parents me raconter des boîtes qui coulent, le chômage et la misère qui guettent… Et les retours au pays en charter.

Pourquoi n’ai-je réalisé d’où venait cet arrière-goût que deux jours plus tard ?

Trois ou quatre épisodes croisés m’ont donné une image du 2007 finissant et m’ont également laissé une impression de ce que pourrait être 2008 :

  1. la Poste
  2. le bureau de tabac/la station de métro
  3. les poubelles en bas de chez moi

La poste ? Je me pointe bien 15 mn avant 18 :00, heure fatidique de la levée du courrier. Mon recommandé ne partira que le lendemain. Et pour cause, j’arrive au guichet à 18 :30… C’est que ça se bouscule, ça se double sans scrupule, avec des airs de ni-vu-ni-connu-je-t’embrouille ou de vierge effarouchée.

Après avoir un peu joué des coudes et fait la grosse voix, je peux donc affranchir ce satané bidule.

Je dis en rigolant à la guichetière :

« Bah dis donc, on pourrait croire que c’est le seul jour de l’année où vous êtes ouverts ! »

Elle m’explique que je ne crois pas si bien dire, que ça s’est calmé, qu’elle avait quand même fait cent opérations sur la journée… Tout ça parce que les gens viennent s’occuper de leurs intérêts… ça pourrait être aussi bien le 18 juillet à 14 heures, qu’elle me dit.

Je suis resté un peu interdit. J’imaginais tous ces gens flippés par un avenir menaçant de leur tomber sur le coin de la gueule, épargnant quand même, parce que bon, il faut bien, hein, ma petite dame.

En guise de conclusion, la postière me dit que maintenant on peut faire ses recommandés directement sur Internet. Chouette, super, belle avancée technologique. C’est vrai, c’est bien pratique…

Ce qui m’amène à ma hantise apocalyptique de fin d’année, en rapport avec le point 2 — le métro (et également le bureau de tabac).

Dans cette mégalopole moribonde, vivant encore au rythme des secousses émétiques du Réveillon, un vrai défi m’attendait.

Trouver un coupon de carte orange mensuel. Parce que les avancées technologiques c’est ça aussi : on automatise.

Et on chomatise à tout va et pourquoi pas ?

Comme disait Coluche, une machine ça touche pas de salaire, ça fait pas grève, et le plus fort… ça a même pas besoin de travailler !

Je suis sûrement une tête de mule, de ne pas vouloir upgrader, depuis des mois au passe Navigo.

Flemme d’une part, volonté de ne pas me faire fliquer d’autre part ? Et dire non, d’une certaine façon aux suppressions de postes que suppose le fait de pouvoir recharger son passe n’importe où, sans avoir besoin de personne. Vous l’aurez remarqué comme moi, il y a moins de points de vente dans les stations... ils sont fermés une fois sur deux ou remplacés par des points d’accueil, qui en fait ne servent pas à grand-chose…

Quoi qu’il en soit, j’arrive au tabac en me disant… là, ils auront peut-être des coupons, qui sait ?

Le choc, déjà, quand je passe devant avant d’y rentrer :

C’est vide ! Je dirais même, si c’était français : Super vide !

Sur les coups de 18 :30 pas un chat… pas même un chaton. Bon allez, si, il devait y avoir 5 ou 6 clients. Et pas un nuage de cigarettes !

C’est beau les lois anti-tabac. Plus de cancers collectifs, maintenant, les fumeurs devront faire ça chez eux, à la rigueur en famille, parce que c’est plus convivial tout de même. C’est sûrement une bonne façon de commencer 2008, non ? Entrer dans un bar sans avoir la puanteur des clopes qui s’accroche à vos poumons comme les rejets de pétrolier dégueulés sur les plages bretonnes ! J’imagine que ça va réconcilier une partie de la population avec ces « lieux de perdition ». Je garde un souvenir peu agréable de pas mal troquets immondes, jonchés de clopes écrasées avec des poivrots en phase terminale de cirrhose. 2008 : sans mégots, mais en conservant les poivrots, ça sera toujours ça de pris.

Remarquez, ça sentait encore la cigarette. Je me demande combien de temps cela va rester dans les murs avant de se dissiper tout à fait.

Voilà, une société clean en apparence…

La buraliste n’a plus de coupon… Elle me renvoie en fait à « la station de métro la plus proche ». Classique.

Mais de fait, ma station de métro en avait bien, des coupons de carte orange. J’avoue que je ne comprends pas trop. Ils sont un peu pénibles à la RATP, non ? Alors qu’à République, et dans d’autres stations, ils n’en vendent plus… !

Je finis mon périple qui me ramène chez moi, content comme tout de mon achat ! Et je déchante assez vite… En bas de mon immeuble, deux trois personnes farfouillent les poubelles pour se faire le Noël qui leur aura été refusé. Noël en retard qui consiste à récupérer ce que les gens ont jeté, une semaine après le passage du vieux barbu en rouge justement.

Société de consommation de merde… A laquelle je participe à fond, j’en ai bien conscience. La phrase de Clive Barker, dans Le jeu de la damnation ou Imajica : « Nous croulons sous le poids de nos propres excréments » me revient souvent en mémoire.

Vous me direz… Bah il ne parle que de la France, là, il ne dit pas un mot sur le reste du monde… Allons, c’est déjà assez déprimant comme ça, on s’arrête ici pour le moment, hein ?

Sinon pour 2007 et comme j’ai allégrement passé mon temps de parole à patauger dans le réel, sur le refrain de Raphaël : « Mais on est dans le dur, pour cette vie c’est sûr », je dirai que je retiendrai de l’imaginaire… Des œuvres louchant le plus souvent sur le réel, comme par hasard.

A scanner darkly m’a mis une baffe monumentale, Le Prestige m’a laissé KO, la série Carnivale (faiblement traduite par le Carnaval de l’étrange) m’a rouleau-compressé, Jekyll, bijou de la BBC, avec sa réplique « Trust me, I’m a psychopath » m’a achevé.

J’ai pu lire (et même traduire et réunir dans une anthologie — trafiquants de cauchemars !) de très bonnes nouvelles d’auteurs espagnols et latinos — en vrac : Carlos Gardini, Sergio Gaut Vel Hartman, Fabio Ferreras, Santiago Eximeno, Joaquin Revuelta, Eduardo Vaquerizo… Et des français aussi, si, si… Berrouka (qui m’a traité de vieillard cacochyme au trois quart sénile d’au moins… soixante ans), Nathalie Dau (oui, elle, elle a droit à un prénom, pour la peine !), Mélanie Fazi (ça c’est bon, ça coco !), Dufour, Dufour bien sûr avec son « Immaculée conception », Noirez, et tant d’autres… Je n’oublierai pas de sitôt l’excellent roman Peregrinos de Marte de José Antonio Suárez. Et je vous conseille de guetter la sortie en ligne et gratuite, donc, de la traduction du recueil de micronouvelles Miniloquios y cementerios de Alfredo Álamo (Ediciones Efímeras), à moins que vous vouliez dévorer ces horribles petites friandises tout de suite, dans leur langue d’origine :

http://www.edicionesefimeras.com/aware.html

Si on doit rentrer un peu plus dans ma vie privée d’auteur « merveilleux », 2007 a été l’année où j’ai flirté avec Lunatique et Black Mamba, suis parti en voyage de noces avec Borderline, ai divorcé avec Faërie, après un mariage même pas consommé, ai soupiré (un peu) auprès de Fiction, ai vécu de torrides aventures exotiques avec Axxón et Qliphoth… Beaucoup de choses, mine de rien. Et je ne vous parle pas des cochonneries faites avec les maisons d’éditions, je n’évoque que les revues, là… Espérons que 2008 m’apporte de bons gros enfants littéraires, aux joues roses et aux pages bien remplies.

Bon allez, bons vœux à tous, quand même ! Malgré mes ronchonnades sur l’état déplorable de notre pôôvre vieille Terre. On verra bien ce que nous réserve cette année sans fumée — ce qui ne nous épargnera pas de nombreuses fumisteries médiatiques…

Je vous souhaite d’avoir autre chose qu’un arrière-goût en bouche : puissiez-vous croquer la vie à pleines dents, croquer de juteux fruits de réussite, de succès, d’amour, en ayant la santé !

Car 2008 ne pourra pas être plus pourri que 2007... ? Comment ? Si ???